TUTTI !
Musiciens des orchestres et des chœurs des maisons d’opéra, ne laissez pas votre avenir se jouer sans vous.

Mission «orchestres symphoniques» : vers un nouveau pacte pour poursuivre le plan Landowski ou pour revoir à la baisse les conditions de travail des musiciens ?

Au cours des travaux de la mission confiée à Anne Poursin et Jérôme Thiébaux, la figure tutélaire de Marcel Landowski sera probablement souvent évoquée. Le paysage orchestral français reste toujours étroitement lié à l’action de ce compositeur qui, dès 1967, considérait que l’implantation d’orchestres permanents dans les grandes villes de province permettait de porter tous les répertoires de la musique dite classique auprès des publics les plus larges.

Que reste-t-il de cet héritage ? Selon l’Association Française des Orchestres, chaque orchestre français propose en moyenne un concert ou une activité éducative tous les jours et demi.  Et grâce au réseau des orchestres, chaque année plus de 2 500 000 spectateurs assistent à des concerts symphoniques, sans compter évidemment les activités lyriques et chorégraphiques.

Pour autant, le bilan n’est pas partout aussi positif et la mission «orchestres» sera probablement l’occasion d’en faire le constat :

– Il reste toujours des régions où, en dépit de la présence de formations orchestrales de grande qualité, le recours à l’intermittence de l’emploi compromet grandement le développement de l’offre musicale et des missions portées ailleurs par les ensembles permanents : c’est le cas à Poitiers, Saint-Etienne, Tours, Besançon, Limoges, Pau…

– La question des financements représente évidemment aussi une source d’inquiétude : dans des métropoles pourtant riches comme Lyon ou Toulouse mais aussi en Île-de-France ou à fortiori dans des villes moins importantes comme Cannes ou Avignon, les collectivités territoriales ont manifesté leur volonté de réduire le budget des orchestres alors que par ailleurs toutes les études démontrent l’impact économique extrêmement favorable de la présence de structures de création et de diffusion de spectacle vivant.

Mais au-delà du devoir d’inventaire du plan Landowski, la mission «orchestres» semble surtout destinée à revisiter un certain nombre de nos acquis ou de nos usages. En effet, la lettre de mission d’Anne Poursin et Jérôme Thiébaux invite explicitement à traiter les enjeux liés à «l’organisation du travail, de l’emploi, aux partenariats et aux modèles économiques».

Ces sujets sont évidemment essentiels. Et puisqu’il est question d’étudier «l‘inscription des orchestres permanents français dans les réalités internationales…» il  sera peut-être utile de rappeler que les ensembles permanents dont les activités reposent sur un financement public ont pour l’instant relativement bien traversé cette crise sanitaire, alors que l’on constate ses effets dévastateurs pour l’emploi, voire pour la survie même des orchestres dans les pays comme les USA ou la Grande Bretagne où le mécénat participe largement à l’équilibre budgétaire de leurs orchestres et maisons d’Opéra. Il faudra donc une fois de plus sans doute rappeler notre attachement à cette spécificité française en matière de financement public, lorsqu’il s’agira de traiter des différents modèles économiques.

De même s’agissant de l’organisation du travail et de l’emploi, la pression budgétaire pourrait conduire les «experts» de cette mission à recommander des modifications substantielles de nos conditions de travail et/ou de rémunération. Certaines remises en cause récentes d’accords d’entreprise nous laissent penser que la plus grande vigilance devra être de mise.

Une autre question, et non des moindres, est celle du contenu de nos missions de musiciens d’orchestre. Depuis de nombreuses années, les actions de sensibilisation à la musique, les actions pédagogiques, les interventions auprès de publics empêchés conduisent les administrations des orchestres et les musiciens des orchestres à s’interroger sur la nature même de leurs métiers : les musiciens doivent-ils devenir aussi des intervenants pédagogiques, des médiateurs ? Quelles sont les limites ou les conditions de ces nouvelles missions ? Sur ces sujets aussi, on ne peut imaginer que les artistes, premiers concernés ne soient pas invités à témoigner et à débattre.

On le voit, il est vital que les artistes des orchestres et des chœurs mais aussi tous les autres personnels permanents et intermittents ne restent pas spectateurs alors que c’est l’avenir de leurs missions et de leurs conditions d’exercice de leurs métiers qui sont aujourd’hui en jeu.

Le SNAM-CGT proposera dans les prochaines semaines une initiative d’ampleur nationale afin que le devenir des orchestres et des maisons d’opéra soit mis en débat et devienne véritablement l’affaire de tous les artistes, techniciens et personnels administratifs qui les font vivre avec passion et compétence

Mars 2021

Cet article fait partie d’un dossier TUTTI ! en 5 chapitres, dont voici la liste :

TUTTI ! : Introduction

TUTTI ! Du colloque new deal à la mission Sonrier 

TUTTI ! Oui, un soutien aux ensembles spécialisés est indispensable mais pas au prix d’une fragilisation des structures permanentes

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TUTTI ! Quelques témoignages parmi beaucoup d’autres recueillis au cours de ces derniers jours attestent de l’apport essentiel des artistes lorsqu’il s’agit de l’avenir de nos professions. Nous attendons les vôtres avec impatience…