NOUS AVONS COMPARÉ LES ANNONCES DU POUVOIR … ET LA RÉALITÉ

 Publié le : 5 Mai 2020  

 

Les annonces sur l’activité partielle :
Annonces :
Franck Riester :
« Je me suis assuré que les entreprises de la Culture puissent bénéficier des mesures de portée générale, c’est à dire des prêts garantis par l’Etat,du chômage partiel » (…) « Les entreprises et les associations qui embauchent des intermittents peuvent bénéficier du dispositif de chômage partiel. » ((Franck Riester – Interview dans le journal Le Monde du 17 avril 2020).

Muriel Pénicaud : « L’activité partielle, c’est la solution. (…) Cela permettra pour un tissu de PME et de TPE d’éviter des vagues de licenciements chaque fois que l’activité est en péril à cause du Coronavirus. Nous aurons le système le plus protecteur d’Europe et beaucoup plus protecteur qu’auparavant, car il concernera l’ensemble des salariés, quelle que soit la taille des entreprises. » (Exclusive RH du 16 mars 2020)

En réalité : rares sont les musiciens mis en activité partielle par leurs employeurs, le déclenchement de ce dispositif étant semé d’embûches et ses conséquences sources d’interrogations. Le 26 avril, à deux jours de la deuxième actualisation des chômeurs depuis le début du confinement, nous ne savions pas encore si les employeurs déclarant de l’activité partielle étaient redevables des cotisations aux Congés Spectacles ; de nombreux employeurs sont déjà en difficulté pour faire des  avances de trésorerie et un reste à charge potentiellement  important si les congés spectacles étaient dus (15,4% du salaire brut) est un obstacle supplémentaire. Le traitement des paies implique les mêmes frais pour l’activité partielle que pour les paies habituelles (voire plus,  certains gestionnaires de paie abusant de la situation). Mais bien pire, pour les employeurs du GUSO, l’accès au dispositif n’a pas encore été rendue possible, alors que le recours massif au GUSO pour les musiciens en France en fait une priorité : ce sont 50 000 contrats mensuels pour plus de 12 millions d’euros de salaires.
Les structures de droit public sont exclues du dispositif, mais la clause du « service fait » n’ayant pas été levée (cf. plus bas), elles ne peuvent ni placer leurs salariés en activité partielle, ni honorer leurs contrats sans craindre un blocage de la part du payeur.

Enfin, les EPIC, EPCC sont éligibles seulement en fonction de la part de leurs recettes qui dépend de leur exploitation commerciale : cela exclut encore certains employeurs d’artistes et de techniciens.

Les annonces sur les droits au chômage :

Annonces :

Franck Riester : « Les mécanismes ont été adaptés : la période de crise sanitaire est neutralisée. »
Communiqué du Ministère de la Culture : « Adaptation du calcul de la période de référence ouvrant droit à assurance chômage (…) pour les intermittents du spectacle (artistes-interprètes et techniciens), afin de ne pas pénaliser les intermittents qui ne peuvent travailler et acquérir des droits pendant cette phase de l’épidémie. » (information du 21 avril 2020/ ministère de la culture)

Aurore Bergé, députée LREM
« Aucun artiste, aucun technicien du spectacle qui bénéficie du régime de l’intermittence ne perdra ses droits à ce régime du fait de la crise. Aucun d’entre eux ».  (Twitter)

En réalité :
Techniquement, cette mesure ne concerne que 25% des intermittents indemnisés, et seule une infime minorité peut en profiter complètement. En effet, ceux dont la date anniversaire se situe après le 31 mai ne verront pas leurs droits prolongés, ceux dont la date est proche n’auront qu’une prolongation très faible (par exemple : date anniversaire le 24 mai -> 1 semaine de prolongation donc 1 semaine de plus de recherche des heures). Ensuite les droits s’arrêtent et soit ils peuvent en ouvrir à nouveau avec une Allocation Journalière très faible (pour un artiste, en moyenne, la baisse d’Allocation Journalière sera de 3€ par mois d’inactivité), soit ils n’ont pas 507h et tombent dans d’autres mécanismes d’allocation (clause de rattrapage, régime général, ASS, clause de sauvegarde) quand ils peuvent. A défaut, ils peuvent toucher le RSA le temps de cumuler de nouvelles heures pour profiter enfin de la mesure d’allongement… (Décret n° 2020-425 du 14 avril 2020)

Annonce :
A la question : » Est-ce que les périodes d’indemnisation au titre de l’activité partielle ouvriront des droits futurs au titre des annexes 8 et 10 ?’
La réponse est : « Les périodes d’indemnisation au titre de l’activité partielle sont prises en compte dans le calcul de l’affiliation » (FAQ du Ministère de la Culture à l’intention des employeurs)

En réalité :
le calcul de l’allocation journalière repose sur la comptabilisation des heures et des salaires ; la comptabilisation des heures en activité partielle est plafonnée à 7 par jour ou par cachet, et les salaires ne comptent pas. Les intermittents en activité partielle payés habituellement au cachet vont donc perdre 40% de leur volume d’heures, et la totalité de leur salaire dans le calcul de leur indemnité.

Exemple : un cachet à 105€ brut indemnisé en activité partielle fera baisser l’allocation journalière de l’artiste de 41 centimes par rapport à s’il avait été déclaré normalement ;

Exemple : dans le cas d’un artiste gagnant moins de 13700€ brut annuels de salaire et totalisant moins de 690h annuelles de travail. (annexe X du règlement de l’assurance chômage, article 14)

Annonce :

« Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Franck Riester, ministre de la Culture, ont décidé de neutraliser la période démarrant le 15 mars et s’achevant à la fin du confinement  »  (Communiqué de presse du Ministère de la Culture)

En réalité :
les annulations ont commencé le 28 février, et nous savons  déjà que les gros festivals et rassemblements seront interdits jusqu’à mi-juillet au moins. En pratique, les festivals de l’été sont déjà annulés pour la plupart, y compris en août, ne pouvant anticiper la logistique propre à leur organisation. Il est probable que les annulations vont se poursuivre tard dans l’année. De plus les annulations de subventions rendent déjà impossible des évènements en 2021. Enfin, cette neutralisation est factice, comme le prouve le paragraphe ci-dessus, et ne s’achève ni à la fin du confinement, ni à la fin de la période pendant laquelle les intermittents ne pourront pas travailler correctement. (Arrêté du 16 avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail)

Annonce :
« L’objectif est de ne laisser personne sur le bord de la route »  (Franck Riester – Interview dans le journal Le Monde du 17 avril 2020).

En réalité : les difficultés en face desquelles sont mises les femmes enceintes intermittentes sont pour le moment totalement ignorées (ainsi que tous les salariés intermittents en arrêt de travail suite à une Affection de Longue Durée ou un Accident du Travail).  Pour que Pôle emploi valorise le congé maternité avec des heures qui permettent aux femmes de retrouver leur intermittence, il faut impérativement un contrat de travail entre la date de fin du congé et la date de demande d’ouverture de droits ou la date anniversaire pour  e renouvellement des droits. Dans le contexte de la crise, les femmes ne parvenant à justifier d’un contrat (ou d’une promesse d’embauche) ne peuvent tout simplement pas faire prendre en compte leurs droits associés à l’ensemble de leur congé maternité. Les règles d’accès à l’indemnisation du congé maternité (600h de travail dans l’année ou 150h dans les trois mois précédent le congé ou la conception de l’enfant) peuvent également, si elles ne sont pas rapidement aménagées, empêcher des femmes d’avoir accès à un congé indemnisé, avec la double peine provoquée par le fait que le congé non indemnisé par la CPAM ne comptabilise aucune heure pour l’ouverture de droits au chômage.

Exemple : une musicienne ayant été en congé maternité du 1er décembre 2019 au 27 mars 2020, et dont la date anniversaire était le 15 février 2020, ne bénéficie pas des mesures d’allongement des droits au chômage et se retrouve sans aucun droit le 28 mars. A moins d’avoir ses 507h avant son congé, elle doit impérativement avoir un contrat de travail après le 27 mars pour rouvrir des droits et « valider » les heures de son congé dans la recherche des 507h. [Communiqué du SFA-Cgt du 17 avril 2020)

Le fond d’urgence et les mesures exceptionnelles :

Annonce :
« Pour la filière musicale, un fonds de secours est mis en place par le CNM à destination des professionnels les plus fragilisés et doté d’une première enveloppe de 11,5 M€.  »  (Communiqué du Ministère de la Culture- 21 avril 2020)

En réalité : Les 10 millions d’euros mobilisés du CNM sont pris sur son budget d’intervention, c’est-à-dire les aides prévues pour les entreprises en 2020. L’État ne garantit plus la compensation  de  ce qui devait être une avance.  C’est donc une manne qui ne viendrait pas soutenir l’activité des entreprises (donc des artistes) plus tard, et cet effet de vases communicants aura des conséquences désastreuses.

Annonce :
La SACEM, la SPEDIDAM, l’ADAMI contribuent à hauteur de 1,5 millions d’euros au fonds de secours. (Le Monde du 1er avril 2020)

En réalité : la SPEDIDAM, par exemple, finance le fonds, mais suspend toutes ses commissions et les aides à venir, et maintient pour le versement de ses aides des critères pénalisants sur le nombre de dates nécessaires qui ne tiennent pas compte de la crise.

Annonce :
« Notre objectif (…) : veiller, pendant la crise sanitaire, à ce que personne ne soit exclu des dispositifs » (Franck Riester – Interview dans le journal Le Monde du 17 avril 2020).

En réalité : « la clause du service fait” en droit public retient normalement la possibilité d’honorer des contrats même non effectués. Malgré les consignes ministérielles d’honorer les cachets, cette clause est encore invoquée par de nombreuses structures, et les artistes sont sans recours. Cela peut même concerner des orchestres entiers qui, restreints de pouvoir recourir à l’activité partielle, n’ont simplement aucune autre solution : par bonne volonté, certains ne peuvent guère que proposer d’annuler d’eux-mêmes les contrats, pour permettre aux intermittents de déclarer les heures, mais en retenant la moitié du salaire prévu. D’autres ont choisi de payer en indemnités les périodes non faites mais en ne déclarant aucune heure et enfin, une minorité a pris la décision de payer les promesses d’embauche en considérant que les services avaient été faits.

Annonce :
« Dans cette période, on constate que les outils numériques sont un formidable moyen d’accéder à la culture. D’ailleurs, une deuxième version de notre plate-forme #culturecheznous va être lancée. Elle recensera plus de sept cents propositions issues de plus de cinq cents acteurs de la culture. » (Franck Riester – Interview dans le journal Le Monde du 17 avril 2020).

En réalité : La plateforme relaie en grande partie des contenus déjà produits, souvent par des structures massives et très soutenues, ou des initiatives « en confinement » qui pour certaines font appel bénévolement aux artistes, créant l’illusion d’une production culturelle en pleine santé. La plateforme dissimule donc : la part de travail gratuit sur lequel elle repose et les difficultés propres aux artistes isolés aux structures affaiblies dont les moyens ou la nature même de leur création ne rend pas possible de produire du contenu numérique. Sauf situations très exceptionnelles, ces diffusions en ligne de généreront aucun droit à rémunération pour les artistes qui s’y produisent. Ça ne compense donc en rien l’absence de salaires pour des spectacles vivants dans la période.