Schéma National d’Orientation Pédagogique : notre décryptage

 Publié le : 3 Oct 2023  

La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (dite LCAP) avait instauré l’obligation pour le Ministère de la Culture de se doter d’un Schéma National d’Orientation Pédagogique (SNOP) à jour : c’est désormais chose faite. Le 18 septembre dernier est paru le Bulletin Officiel Hors-Série n°5, qui porte à notre connaissance la nouvelle mouture du SNOP, 15 ans après la précédente, relativement dépassée, ne collant plus à la réalité de nos pratiques pédagogiques, et demeurant silencieuse sur des sujets pourtant incontournables aujourd’hui comme l’inclusion, l’égalité, la lutte contre les violences de toutes sortes. 
Vous pouvez retrouver l’intégralité du texte ici.
Vos camarades du SNAM-CGT ont été partie prenante de la concertation engagée au second trimestre 2023. Leur mobilisation a permis de nombreuses avancées dans ce texte majeur car engageant les conservatoires classés d’une part, et demeurant une référence, un point d’ancrage incontournable pour les établissements publics non-classés et associatifs d’autre part : 
  • Enseignements délivrés 34 semaines par an
  • Attentes professionnelles en terme de concertation mises en regard avec le temps de travail des agents
  • Reconnaissance de l’activité artistique des enseignants
  • Valorisation du répertoire créé par des femmes
  • Education Artistique et Culturelle (EAC) : resserrement autour des personnels qualifiés pour cela à savoir les musiciens intervenants et les médiateurs culturels
  • Enseignement Artistique Spécialisé (EAS) : affirmation de l’importance des cycles d’apprentissage de « temps long », associant plaisir et exigence ainsi que spécialisation disciplinaire
  • Tarification sociale obligatoire, pour une accessibilité accrue
  • Lutte contre les violences et harcèlements, notamment par la mise en place de dispositifs de signalement et l’installation d’un référent
  • Lutte contre les violences et harcèlements, notamment par la mise en place de dispositifs de signalement
  • Création d’un poste de référent handicap dans chaque structure, pour plus d’inclusion
  • Clause de revoyure et création d’un comité de suivi
  • Composition allégée du jury de Diplôme National (DN)
  • Recommandations quant à ce que doivent être des locaux adaptés à la pratique de la musique, de la danse et du théâtre
Plusieurs points de vigilance demeurent néanmoins : 
  • Les financements. 
  • D’un côté, le Ministère de la Culture fixe des objectifs et des outils pédagogiques. A l’autre bout de la chaîne, les collectivités locales sont censées financer l’ensemble, avec un si maigre soutien de l’Etat qui, par ailleurs, subventionne prioritairement les actions d’EAC. Entre les deux, on trouve les enseignants artistiques qui s’usent au fil des années, minés par les discours moins disant, par les injonctions paradoxales si chères au « new public management’, et qui peinent à accéder à l’emploi sous statut. 
  • La possibilité de « garantir » des enseignements par le biais de partenariats et de conventions : cela s’oppose à une ambition de déploiement de l’ensemble des disciplines enseignées et du service public sur tous les territoires. 
  • Les recrutements dérogatoires au cadre d’emploi de professeur : il faudra veiller à ce que cela demeure temporaire, dans l’attente d’un accès facilité à ce cadre d’emploi par la mise en place de concours réguliers et rapprochés, ainsi que par une plus large possibilité de faire valider les acquis de l’expérience (VAE). 
  • La lutte contre les Violences et Harcèlements Sexistes et Sexuels (VHSS) et plus largement celle contre les violences éducatives, pour l’égalité et contre les stéréotypes de genre : cette version du texte contient des mentions nouvelles et importantes sur ces sujets enfin reconnus comme fondamentaux. Cependant, le texte ne précise pas la nécessité d’adapter les procédures aux enfants et adolescents victimes de violences sexuelles. Si nous savons que c’est au niveau de chaque établissement qu’il faudra veiller à la bonne mise en œuvre des dispositifs de signalement, il n’empêche que l’injonction au niveau national doit être plus forte
  • Le Diplôme National (DN) : l’articulation entre le Cycle Préparatoire à l’Enseignement Supérieur (CPES) et le cycle menant au DN est encore assez floue. Par ailleurs, nous regrettons que seuls les élèves inscrits en CPES puissent bénéficier du statut d’étudiant. Enfin, on ne sait pas encore quelle sera la valeur du DN et s’il sera nécessaire pour accéder à l’enseignement supérieur. Le décret précisant les contours de ce diplôme devrait bientôt paraître. 
  • Reconnaissance du temps de concertation : c’est à double tranchant. Page 22, il est indiqué : « Pour les emplois à temps non complet, ces tâches s’entendent au prorata de la quotité du temps de service. » D’un côté, ce chapitre sur la concertation vient reconnaître cette part si importante et invisibilisée de notre travail ; nous ne manquerons pas de nous appuyer là-dessus pour exiger la revalorisation de nos grilles indiciaires. De l’autre, cela vient suggérer une quantification de ce temps pourtant inquantifiable. Il faudra rappeler que le temps de préparation de cours et de concertation est laissé à la discrétion de chaque agent public.
Et sur l’enseignement de la danse ? 
Là aussi, il y a des points positifs : 
  • Les « humanités chorégraphiques » et la culture chorégraphique conduisant à désenclaver la pratique de la danse d’une simple présence aux cours et à présenter la danse comme une culture qui s’intègre aux autres savoirs des élèves.
  •  La valorisation du rôle essentiel de l’accompagnateur des classes de danse dans la sensibilisation au rapport musique-danse.
  • Les pratiques collectives qui mettent l’accent sur des aspects de la pratique de la danse qui ont peu de place dans les cours hebdomadaires et qui sont pourtant très importants.
  • Les pratiques d’atelier qui mettent aussi l’accent sur des aspects abordés de façon souvent trop superficielle en cours hebdomadaire.
Et des points de vigilance : 
  • Le nombre de missions rapporté aux moyens réels, notamment en CRC.Dans nombre de conservatoires à rayonnement communal et départemental, la pratique de la danse se résume à venir prendre des cours de danse. Les « plus », éventuellement proposés aux élèves, se font sur un temps de travail non rétribué. C’est aussi souvent le cas dans les CRR dont les missions sont encore plus exigeantes. 
  • Un manque de reconnaissance de la formation initiale et continue des enseignants artistiques. Que fait-on des études qui ont précédé le bac (éventuellement au sein d’un conservatoire) pendant environ 10 ans de vie enfantine ? Que deviennent les cours quotidiens que les danseurs prennent à leurs frais pendant 20, 30 ou 40 ans ? Leurs stages réguliers auprès de danseurs, chorégraphes, analystes du mouvement, pédagogues, formation en notation etc. ? Les ambitions affichées du SNOP imposent un reclassement de l’ensemble de la profession en catégorie A.
  • L’absence de prise en compte claire des classements : CRC-CRD-CRR. Dans le parcours d’étude, aucune mention n’est faite des différents niveaux de classement. Ainsi la durée hebdomadaire de cours pendant le 1er cycle est de 3 à 6h. Dans combien de CRC propose-t-on 3h de cours hebdomadaire (le minimum indiqué) ? C’est par contre tout à fait légitime dans le cadre d’un CRR. Les ébauches quantitatives semblent principalement calquées sur l’enseignement en CRR. Ce qui laisse les CRC et CRD faire comme bon leur semble, au gré des directions plus ou moins sensibles et instruites aux spécificités de l’enseignement de la danse par rapport à la musique.
  • Une ambition démesurée et déplacée pour les CRC et CRD, en décalage avec leur réalité matérielle d’équipement et de public. Prôner des solutions d’internat ou de familles d’accueil en 2ème cycle, dans un domaine ou la majorité de la pratique de la danse est amateur, tient de l’utopie inutile qui, au pire, pourrait justifier la fermeture de certaines filières afin de les mutualiser avec d’autres conservatoires. Par ailleurs, les recommandations de volume horaire pour les CHAD ouvertes dès le primaire sont démesurées dans le cadre d’un CRC et inappropriées à une pratique amateur majoritaire sur le territoire. 
  • Une philosophie de l’enseignement artistique contradictoire pour bon nombre de collectivités territoriales. En mettant dans le même document la nécessité d’ouvrir l’enseignement à toujours plus de pratiques dansées et de publics tout en en proposant des volumes horaires très importants, le SNOP laisse de côté tout un pan majoritaire de la pratique amateur qui frôle et visite temporairement les valeurs de l’art. La pratique de l’art a aussi droit à une certaine légèreté. Une organisation territoriale bien construite pourrait permettre à la fois ouverture et cursus intensifs dans des lieux spécifiques et accessibles géographiquement ainsi que financièrement pour les familles. Ainsi présenté, le SNOP laisse cette organisation territoriale se faire au gré d’accords locaux. C’est là encore l’égalité d’accès aux usagers qui est remise en cause.