Déclaration finale des États Généraux des Ensembles Permanents

 Publié le : 13 Fév 2023  

 A l’initiative de nos syndicats et parce que la situation l’exige aujourd’hui encore une fois, nous, musiciennes et musiciens des ensembles musicaux permanents de tout le pays nous sommes réunis en États Généraux ce 23 janvier 2023 à la Philharmonie de Paris.

En premier rappelons que nous sommes la chair et le son des orchestres dont la mission première est de servir la musique de patrimoine et de création. L’excellence artistique de nos orchestres, vantée en France comme à l’étranger, est le résultat de l’engagement de chacun et chacune d’entre-nous. Cet engagement est notamment celui de notre corps que nous sollicitons intensément depuis le plus jeune âge mais nous constatons pourtant qu’à chaque projet de réforme des retraites, pour nous comme pour tant d’autres professions, les gouvernements ignorent cette réalité.

Rappelons aussi que la plupart des maladies professionnelles des musiciens et musiciennes que la science a identifiées depuis des années ne sont toujours pas dans le tableau des maladies professionnelles de la Sécurité Sociale.

Car si nous sommes artistes, nous n’en sommes pas moins des travailleurs et des travailleuses. Parlons-en : nos salaires n’ont cessé de baisser comparativement au SMIC ou au coût de la vie au fil des dernières décennies. Rappelons que dans le même temps, le prix des instruments qui sont nos outils de travail n’a cessé d’augmenter et que la plupart d’entre-nous les financent grâce à des crédits toujours plus lourds. Si l’exigence des concours est de plus en plus élevée, les salaires à l’embauche sont de moins en moins attractifs. Les grilles d’ancienneté, souvent peu favorables, ne permettent pas de valoriser le savoir-faire acquis grâce à l’expérience. Rappelons aussi que nombre d’orchestres sont constitués d’artistes en contrats à durée déterminée. Dans le secteur public l’accès au CDI est conditionné à 6 ans de CDD précaires.

A force d’économies, de non-réévaluation des financements, l’artistique devient systématiquement la variable d’ajustement
; on demande à des artistes de forcer leur jeu parce qu’on économise sur les effectifs, on prend parfois des libertés avec les œuvres en retirant des parties entières, pratiques qu’on croyait révolues. Autant de questions à l’origine économiques et sociales que le ministère de la culture se refuse de travailler malgré des demandes réitérées. Cela ne peut plus durer.

Notre territoire compte encore trop de régions ou de grands bassins de population sans formation symphonique, lyrique ou chorégraphique permanente. Beaucoup de nos concitoyens et concitoyennes sont trop éloignés des lieux de diffusion de notre musique. La volonté politique de mailler le territoire d’ensembles permanents s’est plus qu’émoussée et le reproche infondé d’un art élitiste s’est transformé en prophétie auto-réalisatrice : quand on ne se donne pas les moyens de porter les arts auprès de tous, il est facile de reprocher ensuite de ne pas élargir les publics. Force est de constater que là où des ensembles permanents existent, ils se déplacent, adaptent leurs programmes aux circonstances et savent conquérir de nouveaux publics.

Mais si nous nous réunissons pour débattre c’est aussi dans le souci d’agir.

En tout premier lieu nous voulons dire qu’à chaque fois que la recherche de l’excellence n’est pas en jeu, nous acceptons l’idée de changer nos comportements professionnels pour accélérer la transition écologique. Nous notons tout de même que par rapport à d’autres modèles de production ou de diffusion des spectacles, nous nous produisons à proximité des lieux de vie de nos spectateurs et spectatrices et que nos déplacements professionnels se font majoritairement en transport en commun. Alors que le déplacement – surtout du public – est un des éléments les plus déterminants de la facture carbone des spectacles, nous sommes donc un modèle à développer. Mais le transport n’est pas tout puisque nombreuses sont les structures qui se sont engagées dans des labellisations écologiques ambitieuses.

Ensuite le décrochage de nos financements par rapport à l’inflation ne peut plus durer. Les boussoles ont-elles été égarées pour qu’on en arrive à penser que dans un pays ou l’extrême droite populiste est aux portes du pouvoir, le plus urgent est de réduire les financements à la culture ?
Nous n’entendons pas demeurer les spectateurs du dépeçage du service public de la musique. Pourtant force est de constater que l’actuel gouvernement (à l’instar des précédents) favorise une mutation de la société française en substituant souvent le secteur marchand aux services publics. Nous savons aussi que ceux-ci sont chaque fois affaiblis par la baisse de leurs dotations, puis critiqués pour leurs faiblesses avant d’être confiés au privé.

 

Dans le cadre des missions de service public qui nous sont confiées, notre art n’a pas vocation à être rentable. Si nous ne sommes pas rapidement refinancés, certains ensembles ou certaines maisons d’opéra disparaîtront. Depuis des années de nombreux postes d’artistes sont vacants ou gelés ; le nombre de créations et de levers de rideau est en baisse malgré une forte demande et un renouvellement des publics bien visible. Aujourd’hui on annule même des productions qui étaient programmées il y a quelques mois. Et la situation va de mal en pis avec l’inflation actuelle et la crise énergétique.

Si les élus locaux ou nationaux ne nous entendent pas, nous solliciterons le soutien du public qui ne nous a jamais fait défaut. Nous pétitionnerons, nous manifesterons ou nous nous mettrons en grève s’il le faut. Mais nous ne laisserons pas partir en fumée le patrimoine immatériel que représentent nos ensembles permanents. Ils sont financés depuis des décennies pour porter l’excellence artistique auprès de tous les publics partout dans le pays et par-delà nos frontières. Ce patrimoine ne nous appartient pas mais nous en sommes les dépositaires et les garants.

Ces états généraux ne s’arrêtent pas ce soir, nous décidons immédiatement :

De conditionner notre signature du « pacte pour un service public des maisons d’opéra et des orchestres permanents du XXIème siècle » à un contenu clair et précis sur les engagements financiers de l’État et des collectivités territoriales

De construire des délégations issues de ces états généraux et de solliciter des entretiens sur la base de cette déclaration finale, auprès de la ministre de la Culture, des grandes fédérations d’élus et des commissions spécialisées des deux chambres du Parlement.

De tout faire au niveau national et dans chaque formation pour obtenir une revalorisation salariale au niveau de l’inflation que nous subissons

De construire un front large de personnalités et d’organisations en soutien au service public de la musique

De nous retrouver avant l’été afin de décider de la suite

Listes des formations représentées par des délégations de musiciennes et musiciens ce jour :

Opéra de Lorraine, Opéra de Paris, Opéra de Rouen, Opéra de Saint-Étienne, Opéra de Toulon, Opéra Orchestre National de Montpellier, Orchestre Victor Hugo Franche Comté, Orchestre de Chambre de Paris, Orchestre de l’Opéra de Lyon, Orchestre de l’Opéra de Marseille, Orchestre de Paris, Orchestre de Picardie, Orchestre des Pays de Savoie, Orchestre National Avignon Provence, Orchestre National
Bordeaux Aquitaine, Orchestre National d’Île de France, Orchestre National de Bretagne, Orchestre National de Cannes, Orchestre National de France, Orchestre National de Lille, Orchestre National de Metz, Orchestre National des Pays de la Loire, Orchestre National du Capitole de Toulouse, Orchestre Philharmonique de Radio France, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Orchestre Régional de Normandie, Orchestre Symphonique de Mulhouse, Orchestre Symphonique Région Centre Val de Loire Tours, Théâtre National du Capitole de Toulouse

SNAM-CGT / FO SN3M / CFDT : SNAPAC