Le texte pour les Victoires de la Musique 2023

 Publié le : 12 Fév 2023  

Voici le discours prononcé par Karine Huet le 10 février 2023 lors des Victoires de la Musique.  Il peut être utilisé pour toutes les situations de mobilisation possibles.

Les Victoires de la Musique, c’est un moment intense rempli d’émotions avec des musiciennes et des musiciens qui jouent pour vous en direct, c’est ça qui rend cet instant si particulier.
Nous autres instrumentistes, accompagnateurs un peu dans l’ombre, nous sommes les intermittents du spectacle comme on nous appelle, tout comme les dizaines de techniciens qui s’affairent ce soir partout dans cette Seine Musicale pour que le show soit magique.

Pour amener la musique près de chez vous, sur toutes les scènes de France, nous parcourons le pays sans relâche. C’est notre métier, notre passion, mais il n’en est pas moins exigeant. Pour vous, pour le public, nous devons toujours être parfait, être les meilleurs.

Si nous avons l’obligation, le devoir d’être toujours au plus haut niveau, nos salaires sont loin de refléter cela et d’en tenir compte, stagnant depuis des décennies. Nos fins de mois sont difficiles même lorsqu’on travaille régulièrement.

Pour ne rien arranger, nous sommes frappés par l’annulation de nombreux spectacles et créations du fait de la baisse des financements alloués à la culture.

Comme dans tant d’autres métiers précaires, avec des salaires irréguliers, nous ne sommes pas rassurés par le projet de réforme des retraites dont les modalités de calcul nous seront encore plus défavorables qu’aujourd’hui.

Alors que nous pratiquons la musique de manière très intensive depuis l’enfance, il arrive à beaucoup d’entre nous que nos corps ne nous obéissent plus. Quand on est usé, qu’on le veuille ou non, on ne peut plus atteindre l’excellence que vous attendez de nous.

Et 64 ans, lorsqu’on a commencé l’instrument à 6 ans avec tout le travail et les sacrifices que cela implique, ce n’est pas tenable et c’est pour cela que nous manifestons actuellement comme tant d’autres le font.

Bien sûr, de nombreux artistes font de longues carrières, mais l’excellence artistique ne nous garantit pas de pouvoir travailler jusqu’au bout. Le métier est ingrat, on est vite remplacé par des plus jeunes et les femmes aussi, si peu nombreuses sur scène sont vite oubliées lorsqu’elles se sont arrêtées pour leurs maternités. Ce sont des réalités trop souvent ignorées et méprisées. Alors à nous les carrières incomplètes, les petites retraites, la fragilité et la précarité annoncée.

Mesdames, messieurs, cher public, merci pour votre attention et votre soutien dont nous avons tant besoin. Pour votre plaisir et votre joie : « the show must go on » comme on dit avant de monter sur scène, même quand tout va mal.